Conclusion
Malgré les travaux nombreux déjà qui ont été publiés sur la géologie, la minéralogie et la paléontologie de l'Algérie, on doit considérer encore notre grande colonie comme très imparfaitement connue sous ce rapport. Un champ si vaste et si peu accessible aux spécialistes, demandera bien des années encore de recherches et d'études avant de dévoiler toutes ses richesses scientifiques. Quand nous envisageons l'importance des découvertes géologiques que nous avons pu faire pendant un séjour de six années en Algérie ; quand nous remarquons que beaucoup de documents et d'observations très intéressants ont été recueillis par des officiers ou des voyageurs, au cours d'expéditions rapides, alors que souvent ces explorateurs improvisés n'avaient ni le temps, ni les moyens d'investigation, ni même, parfois, les connaissances spéciales indispensables pour tirer de leurs découvertes tout le fruit désirable, nous sommes fondé à admettre que, dans ces vastes contrées, bien des faits scientifiques intéressants sont restés inaperçus. Au point de vue paléontologique principalement, certaines régions de l'Algérie et, en particulier, les régions méridionales, sont véritablement une contrée privilégiée. Dans de nombreuses localités, les couches qui forment le sol renferment à profusion des fossiles aussi serves. Parmi ces fossiles il en est qui, déjà connus dans d'autres contrées, permettent aux géologues de suivre, dans le nord de l'Afrique, la chronologie géologique et la succession des séries sédimentaires, telles qu'on les connaît déjà sur le continent européen ; d'autres, au contraire, et ce sont les plus nombreux, sont jusqu'ici spéciaux à l'Algérie, inconnus même pour la science actuelle. Ils présentent par là un intérêt d'un autre ordre, purement zoologique parfois, mais souvent considérable en ce qu'ils offrent des types curieux, des formes animales nouvelles, qui relient entre elles des formes déjà connues. C'est ainsi que peu à peu se resserrent les anneaux épars de cette grande chaîne du monde animal, qui s'est déroulée dans les temps géologiques; c'est ainsi qu'il est permis aux savants de suivre de jour en jour, plus sûrement et plus méthodiquement, l'enchaînement des faunes successives et le développement de la vie sur le globe terrestre. Pénétré de ces idées, nous n'avons cessé de demander à nos camarades, à nos correspondants, à tous ceux qui dans l'armée s'intéressent aux sciences naturelles, de vouloir bien s'associer à nos recherches. Dans toutes nos publications nous avons cherché à donner dans ce but des renseignements utiles et, par correspondance, nous avons donné, à tous ceux qui le désiraient, les détails nécessaires pour rendre leurs explorations plus faciles et plus productives. C'est ainsi que pour notre monographie des Échinides algériens nous avons pu, grâce au concours de correspondants dévoués, augmenter dans une large proportion les riches matériaux dont nous disposions déjà. Aujourd'hui que cette œuvre est près d'être terminée, un savant maître, désireux de faire profiter la science du zèle et du bon vouloir des officiers de l'armée d'Afrique, a pensé qu'il serait utile d'extraire de notre travail les renseignements pratiques qu'il renferme, de manière à en faire un guide permettant aux explorateurs de se reconnaître plus rapidement au ARTICLE № 4. milieu des formations de notre colonie et leur rendant les recherches plus fécondes. C'est dans cet esprit que nous avons entrepris de coordonner et de condenser, sous un petit volume, les indications de stratigraphie et de géographie géologique, disséminées dans toutes nos notes, en les complétant de manière à en faire un guide du géologue en Algérie. Une semblable tâche est lourde et de plus assez ingrate, car dans l'état imparfait de nos connaissances sur la géologie du nord de l'Afrique, notre travail ne peut être que bien incomplet et entaché de bien des incertitudes. Néanmoins, nous l'avons entrepris avec ardeur, confiant dans son utilité et sachant que les personnes auxquelles il est principalement destiné sont à même de se rendre compte des difficultés d'une semblable tâche. En 1849, Henri Fournel, en publiant son bel ouvrage sur la richesse minérale de l'Algérie, disait dans sa préface : « C'est une première ébauche. L'achèvement d'un pareil livre est l'œuvre de bien des années encore d'explorations assidues et de voyages toujours longs et pénibles. Il ne faut pas se représenter qu'on étudie le sol africain dans les mêmes conditions qu'on étudie le sol d'Europe; la sécurité n'est pas la même, les moyens de transport et les lieux de repos n'ont aucune analogie. Il faut traîner avec soi sa maison, ses vivres, ses armes, ses bagages et souvent franchir de grands espaces pour atteindre un gîte. On ne trouve pas çà et là des observateurs localistes qui vous renseignent, vous servent de guides et vous évitent mille peines. On est abandonné à soi-même; on est à la fois son guide, son entrepreneur de transport, son hôtelier et tout cela sous un soleil brûlant, au milieu de tribus dont l'amitié est parfois douteuse et la défiance toujours certaine. » Quoique plus de trente années se soient écoulées depuis le moment où Fournel écrivait ces lignes, elles sont encore absolument d'actualité. Sans doute, depuis ce moment, la colonisation a fait de grands progrès. Les régions qu'explorait Fournel sont devenues relativement sûres et faciles à parcourir, mais, à mesure que la colonisation progressait, l'occupation s'étendait vers le sud et, dans les régions éloignées et d'accès difficile que nous avons principalement explorées, et que nous voulons faire connaître, les études sont encore actuellement moins faciles qu'elles ne l'étaient autrefois dans le Tell. Nous pouvons donc, à bon droit, répéter en ce moment les paroles de Fournel et présenter notre travail comme un essai et non pas comme une œuvre définitive. Ce sera, à proprement parler, une réunion de matériaux pour servir à l'établissement d'une carte géologique détaillée de nos possessions africaines et destinée, en attendant l'exécution de ce grand travail, à suppléer à l'insuffisance des documents publiés jusqu'à ce jour.